Les grandes oreilles de Stephen Harper espionnent le Brésil

L’émission Fantastico de la chaîne de télévision du quotidien brésilien O Globo révèle que l’organe d’espionnage électronique d’Ottawa, le Centre de la sécurité des Télécommunications espionne le ministère de l'Énergie du Brésil et plusieurs sociétés minières du pays.

O Globo diffuse une page PowerPoint attribuée au CST qui détaille la cartographie des communications du ministère brésilien en utilisant un logiciel appelé Olympia. Le titre du document, coté «Très Secret», est révélateur: Ministère brésilien des Mines et des Ressources: nouvelle cible à développer.

Selon l’émission, les documents, datés de l’été 2012, ont été partagés par le Canada avec les autres pays anglo-saxons membres du réseau d’écoule électronique planétaire ÉCHELON.

Les documents d’O Globo proviennent du lanceur d’alerte Edward Snowden, un ancien contractuel de la National Security Agency américaine. Snowden  a obtenu l’asile politique temporaire en Russie après avoir divulgué une série d’informations sensationnelles sur ses pratiques d’espionnage électronique de la NSA contre des alliés des États-Unis, dont l’Allemagne, le Brésil et le Mexique, mettant le président Obama dans l’embarras.  

O Globo avait déjà révélé que la NSA a systématiquement fouiné dans le réseau de télécommunications du Brésil et du Mexique, interceptant et enregistrant les courriels et les relevés téléphoniques de millions de personnes, entreprises et institutions des deux pays. La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a annulé un voyage qu’elle devait faire à Washington après la publication de l’information.

Le Brésil n’appréciera pas plus les nouvelles révélations au sujet de l’espionnage canadien qui tombent à un bien mauvais moment. Le Canada s’est fixé récemment pour objectif d’accroitre ses échanges économiques avec le Brésil, l’une des économies émergentes majeures.

À l’émission Zone libre de Radio-Canada en 2000  j’ai réalisé une enquête qui démontrait que le Canada dans le cadre d’ÉCHELON interceptait les communications qui passent par des satellites de télécom brésiliens et mexicains.

J’ai rappelé il y a quelques mois dans cette chronique que le CST espionnait les communications de la société aéronautique brésilienne Embraer, la principale concurrente de Bombardier sur le marché des avions de transport régionaux.

L’objectif était d’obtenir des renseignements afin de favoriser la position concurrentielle de Bombardier. On voulait découvrir des détails sur les négociations d’Embraer avec des clients. Il n’est pas clair comment Ottawa partageait ses intelligences avec le groupe aéronautique montréalais et si ce dernier était au courant de la façon qu’utilisait le fédéral pour les obtenir. Les mêmes sources m’avaient aussi confié que l’interception de communication du gouvernement du Mexique par le CST avait avantagé les diplomates canadiens lors des négociations de l’accord nord-américain de libre-échange (ALENA). Nos représentants avaient ainsi une bonne connaissance des directives de Mexico à ses négociateurs.

Le CST est beaucoup moins connu que le SCRS. Il est pourtant tout aussi, sinon plus, important que ce dernier au sein de l’appareil de renseignement du gouvernement canadien. Surtout depuis qu’Ottawa lui a demandé, il a une vingtaine d’années, de faire de l’intelligence économique une de ses priorités. Le CST est — officiellement du moins — le seul organe d’espionnage du Canada qui cible l’étranger.

Il a aussi pour mission de protéger les communications du gouvernement fédéral et des entreprises canadiennes. Jusque dans les années 90 (et peut-être encore aujourd’hui), le CST espionnait certaines cibles politiques à l’intérieur du Canada. J’avais révélé à l’époque que René Lévesque, Louise Beaudoin et Jacques Parizeau étaient parmi celles-ci.

Le CST, avec un budget de plus de 300 millions de dollars et des milliers d’employés civils et militaires, vient d’inaugurer un nouveau quartier général d’un milliard de dollars à Ottawa à côté de celui du  SCRS (un passage sous-terrain relie les édifices des deux organisations). Le Centre dépend du ministère de la Défense, mais se rapporte directement au bureau du premier ministre.