Le Canada espionne le Brésil avec la NSA américaine

Le chroniqueur Glenn Greenwald du Guardian, qui est au centre de l’affaire Snowden, révèle dans le journal O Globo de Rio de Janiero que les États-Unis interceptent des millions de communications électroniques de Brésiliens. Il y a quelques semaines, c’était Der Spiegel qui accusait la NSA de faire la même chose en Allemagne. Les deux révélations s'appuient sur des documents secrets fournis par le dénonciateur Edward Snowden, qui a lui-même participé à ces activités.

Selon le journal, la NSA aurait systématiquement fouiné dans le réseau de télécommunications du Brésil pendant des années, interceptant et enregistrant des courriels et des relevés téléphoniques de millions de personnes, entreprises et institutions du Brésil dans le cadre d’un programme dont le nom de code est «Fairview». O Globo rapporte que pour le seul mois de janvier 2013,  2,3 milliards d'appels téléphoniques et de messages sur internet de Brésiliens ont été espionnés.

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Ce que O Globo et Greenwald ne disent pas parce qu’ils ne le savent pas, c’est que le Canada par son agence d’écoute électronique, le Centre de la Sécurité des communications, est le partenaire-clé des Américain dans la surveillance des communications brésiliennes.

Dans le cadre de l’émission Zone libre de Radio-Canada j’ai réalisé en 2000  une enquête sur le réseau d’espionnage électronique mondiale ÉCHELON qui regroupe autour de la NSA américaine les agences équivalentes des pays anglo-saxons (Grande-Bretagne, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande).

J’ai rencontré à cette occasion Mike Frost un ancien du CST qui avait publié un livre sur son ancien employeur (Moi, Mike Frost, espion canadien). Il m’a révélé comment le Canada est étroitement imbriqué dans le système de surveillance électronique universel des Américains. Selon ce que Frost m’a dit, les pays membres d’ÉCHELON se sont répartis à l’échelle mondiale l’interception des transmissions qui passent par les satellites de communication de chaque pays. Le Canada se serait vu attribuer les satellites brésiliens et mexicains.

Les deux antennes paraboliques géantes qui captent ces transmissions sont situées à la base des forces canadiennes de Leitrim à une dizaine de kilomètres au sud d’Ottawa. Pour le reportage de Zone libre, je

l’ai survolé en hélicoptère et j’ai filmé les deux immenses paraboliques dissimulées sous des dômes afin qu’on ne puisse pas voir la direction vers laquelle elles sont orientées et donc de déterminer quel satellite est espionné.

En plus de partager les informations recueillies avec ses amis anglo-saxons, le Canada profite également des renseignements ainsi volés aux brésiliens. Des sources familières avec cette opération m’ont allégué que l’interception des communications de l’avionneur brésilien Embraer aurait été d’un grand intérêt à Bombardier qui aurait reçu les informations du CST.

Les révélations de Snowden à Greenwald et au O Globo font du bruit au Brésil où la population n'avait aucune idée que ses communications électroniques étaient colligées par la NSA. Les Brésiliens seraient encore plus surpris d’apprendre que le Canada est complice des Américains dans cette activité d’espionnage électronique.

Tout indique que Snowden va continuer à faire des révélations dans les semaines et les mois à venir s’il trouve un pays pour l’accueillir… et que celui-ci lui donne la permission de la faire. Il semble que cette demande de Snowden de poursuivre ces révélations ne soit pas acceptable dans plusieurs pays qui lui ont offert l’asile politique.
 
Avec les révélations du soldat Manning sur la diplomatie américaine, Snowden est devenu responsable de l'une des plus grandes fuites de secrets dans l'histoire des États-Unis. Elle affecte la crédibilité de l'administration Obama. Le calvaire d’Obama et de la NSA ne fait que commencer.