Trudeau: le poids d'un nom de famille

Tout indique que Justin Trudeau annoncera mardi prochain qu’il se porte candidat à la chefferie du Parti libéral du Canada (PLC).

Si tout va bien, il pourrait devenir le prochain chef du PLC au terme d’un vote qui aura lieu le 14 avril 2013. Et qui sait, si tout va vraiment bien (pour lui), il pourrait devenir le deuxième Trudeau à s’asseoir dans le siège de premier ministre du Canada.

Mais chaque chose en son temps. Pour l’instant, Justin Trudeau est vu comme un jeune politicien sexy, frondeur et combatif.

Il a d’ailleurs pu démontrer concrètement cette dernière qualité en avril dernier lors d’un combat de boxe caritatif dans lequel il a, contre toutes attentes, remporté l’échange de coups contre le sénateur conservateur Patrick Brazeau (ceinture noire en karaté).

Mais outre ses exploits pugilistiques, Justin Trudeau est surtout connu pour son nom de famille. Il est le fils de Pierre Elliott Trudeau, très flamboyant et très honorable premier ministre ayant régné sur le pays de 1968 à 1979, puis de 1980 à 1984.

Trudeau père est l’un des premiers ministres à propos duquel l’opinion publique est la plus polarisée: on l’adore ou on le déteste. Pour Justin, l’étiquette «Trudeau» accolée à son prénom représente-t-elle un coup de pouce ou une épine au pied?

«C’est un coup de pouce au Canada et une épine au pied au Québec», dit Thierry Giasson, professeur au département d’information et de communication de l’Université Laval.

«Dans les milieux nationalistes, poursuit-il, Pierre Elliott Trudeau est présenté comme étant le fossoyeur de l’identité québécoise. Avant même de faire de la politique, il décriait le nationalisme sous toutes ses formes. Une fois au pouvoir, il est devenu le créateur de l’identité nationale canadienne.»

Comme Justin Trudeau n’a pas clairement pris ses distances par rapport aux idéologies de son père, sa cote d’amour risque d’avoir du mal à décoller au Québec.

Des fils et des filles à papa
Les dynasties familiales sont plutôt rares dans la sphère politique, du moins dans les pays démocratiques.

D’emblée, on pense aux Kennedy ou aux Bush aux États-Unis. En France, Marine Le Pen a pris le flambeau du Front national, parti de droite fondé par son père, Jean-Marie.

Au Québec, Daniel Johnson père (premier ministre de 1966 à 1968) a engendré deux premiers ministres assez peu marquants: Daniel Johnson fils (un libéral, premier ministre pendant moins d’un an en 1994) et Pierre-Marc Johnson (un péquiste, premier ministre pendant quelques mois en 1985).

Or, le plus souvent, les fils ou filles à papa qui ont su «se faire un prénom» l’ont fait en «se démarquant de l’ancrage idéologique de la famille», indique Thierry Giasson. «C’est peut-être en s’affranchissant de l’héritage idéologique de son père qu’un enfant peut se démarquer», poursuit cet expert en communication politique.

C’est le cas de Jack Layton, chef du NPD décédé l’an dernier.

Lorsqu’on pense à Layton aujourd’hui, on pense à «Jack»… et non pas à son père Robert Layton, député conservateur sous le gouvernement conservateur de Brian Mulroney. Et encore moins à son grand-père Gilbert Layton, ministre dans le gouvernement de l’Union nationale de Maurice Duplessis.

Justin Trudeau ne semble pas être prêt à s’affranchir de l’héritage de son père.

D’autant plus que, pour l’instant, on a du mal à lui attribuer une quelconque réalisation politique. «Il est beaucoup dans la représentation, dans l’image de lui et de sa belle jeune famille. On vend des photos de son mariage aux magazines à potins. On est dans ce que les Français appellent la pipolisation de la politique. Et cela peut être perçu comme étant un indicateur d’un manque de profondeur. C’est une chose contre laquelle il devra se battre.»

Se démarquer de son père, et se battre contre son image… Un autre beau combat pour Justin Trudeau.