Kony 2012: une campagne choc qui fait le buzz

L'Armée de résistance du seigneur, née en Ouganda et dirigée par l'illuminé et très diabolique Joseph Kony, fait encore parler d'elle. Mais cette fois, le buzz est planétaire.

Lundi, le controversé organisme Invisible Children (Enfants Invisibles) - nous y reviendrons - a mis en ligne une vidéo de 30 minutes intitulée «Kony 2012» et qui retrace l'histoire de Joseph Kony en détaillant la campagne de l'ONG.

En à peine 72 heures, près de cinq millions de personnes l'ont visionnée et les réseaux sociaux ont été pris d'assaut par la campagne. Peu après la mise en ligne, les mots-clic (hashtags) #makekonyfamous, #kony2012, #stopkony se sont rapidement retrouvés parmi les plus populaires mondialement.

Il est difficile de rester insensible devant les faits présentés dans la vidéo de Jason Russell, qui en signe la réalisation et la narration. Même les coeurs de pierre seront touchés.

Russell explique donc que son but est d'identifier 20 icônes culturelles (vedettes, athlètes, milliardaires) et 12 personnalités politiques de premier plan afin de pousser l'impact de sa campagne plus loin et de lui donner un support à l'intérieur des institutions gouvernementales. À la toute fin, il révèle son plan qu'il nomme «Cover the Night» et qui aura lieu le 20 avril prochain. En gros, il vise à faire de cette journée une campagne de sensibilisation à l'échelle mondiale.

«La LRA a commencé ses attaques en Ouganda dans les années 1980, quand Joseph Koby a tenté de renverser le gouvernement, rapporte La Presse Canadienne. Depuis que la milice a été repoussée de l'Ouganda il y a quelques années, elle terrorise de nombreux villages d'Afrique centrale, dans une région à la superficie comparable à celle de la Californie. Les violences commises par la LRA sont particulièrement brutales. La milice a déjà tué des milliers de civils et enlève régulièrement des mineurs pour en faire des enfants-soldats ou des esclaves sexuelles.»

Chercher à mobiliser l'opinion publique en faveur de l'arrestation de Joseph Kony ne peut être qu'un objectif louable et des plus nobles. À ce chapitre, la vidéo fait un travail remarquable. Mais à y regarder de plus près, on peut se permettre de douter des orientations que prend l'organisme derrière cette campagne.

Un organisme très controversé

Tout n'est pas rose dans le merveilleux monde d'Invisible Children, que plusieurs accusent d'être coupable de «pornographie émotionelle» dans la vidéo. Entre autres, ses finances - qui sont publiques - sont l'objet de critiques constantes. Par exemple, Jason Russell touche un salaire annuel de 90 000 $.

L'organisme à but non-lucratif à été condamné à de maintes reprises dans le passé relativement à l'utilisation des millions de dollars en don qu'elle reçoit chaque année, écrit Grant Oyston. En 2011, Invisible Children a dépensé 8 676 614 $, dont seulement 32 % sont allés au financement de ses activités sur le terrain. Charity Navigator, un sevice qui surveille les organismes et attribue une note à leur mode de fonctionnement, accorde seulement 50 % à Invisible Children, notant que leurs finances ne sont pas contrôlées à l'externe.

Mais le noeud du problème n'est pas là. Si seulement.

Invisible Children est en faveur de l'intervention militaire directe et supporte en ce sens l'armée du gouvernement de l'Ouganda financièrement. Voici d'ailleurs une photo des fondateurs de l'organisme en compagnie de membres du personnel de l'Armée populaire de libération du Soudan, laquelle est appuyée par l'Ouganda.

Le hic? L'Armée populaire de libération du Soudan autant que celle l'armée du gouvernement de l'Ouganda sont criblées d'accusations de viols et de pillages. Qu'à cela ne tienne, Invisble Children les défend en arguant que l'armée de l'Ouganda est «mieux équipée que les autres armées des pays touchés [par l'Armée de résistance du seigneur]» même si, de leur propre aveux, Kony n'est plus actif en Ouganda depuis 2006.

On pourrait continuer longtemps, mais vous pigez le topo.

Le monde n'est jamais noir, ni blanc. Il se décline plutôt à travers un éventail de tons de gris qu'il vaut mieux savoir discerner.

À bon entendeur.

(Sources: Knowyourmemes.com, Reddit, KONY 2012 viewed critically)