Carrefour reprend la main sur ses galeries commerciales

Carrefour va racheter 127 centres commerciaux au groupe foncier Klépierre et créer une nouvelle société, chargée de gérer les murs de l'ensemble de ses hypermarchés en Europe. /Photo d'archives/REUTERS/François Lenoir

par Pascale Denis

PARIS (Reuters) - Carrefour, qui s'apprête à racheter 127 centres commerciaux au groupe Klépierre avec huit grands investisseurs, entend reprendre la main sur un parc immobilier commercial crucial pour ses hypermarchés et qui pourrait à terme faire l'objet d'une cotation en Bourse.

Le distributeur va racheter des galeries commerciales de taille moyenne de Klépierre en France, en Espagne et en Italie, pour une valeur de 2,0 milliards d'euros et va constituer dans le même temps une nouvelle société chargée de leur gestion, à laquelle il apportera 45 galeries lui appartenant, valorisées à 700 millions d'euros.

Carrefour corrige ainsi les erreurs du passé quand, pour se désendetter et financer son expansion internationale, le groupe avait cédé en 2000 au même Klépierre 150 galeries marchandes en Europe pour 1,5 milliard d'euros.

Carrefour, qui rénove ses hypermarchés européens, veut avoir la maîtrise des investissements à réaliser dans les galeries marchandes qui les entourent et dont l'attractivité est essentielle à la fréquentation des hypermarchés.

"Cette opération, c'est un peu un retour vers le futur. Nous reconstituons un écosystème extrêmement profitable dans les années qui ont précédé la fusion avec Promodès", a déclaré le PDG du groupe lors d'une conférence téléphonique.

La possession de l'immobilier est un levier de compétitivité interne très fort, a ajouté Georges Plassat, soulignant que la hausse moyenne annuelle des loyers avait été de l'ordre de 5% à 6% au cours des dix dernières années.

Carrefour contrôlera 42% de la future entreprise, le solde étant aux mains d'investisseurs institutionnels dont l'identité n'a pas été révélée.

Mais aucun d'entre eux ne disposera de plus de 10% à 15% du capital et certains n'en auront que 2% à 3%, a-t-on indiqué de source proche du dossier.

PAS D'IMPACT SUR LE RATIO DE DETTE

Parmi eux figurent Colony Capital, actionnaire de Carrefour, les assureurs Predica (Crédit agricole), Cardif (BNP Paribas), Axa et Sogecap (Société générale), le gérant d'actif Pimco et un fonds de pension néerlandais, a-t-on précisé de même source.

Le financement sera assuré pour 1,8 milliard d'euros par fonds propres, dont 42% par Carrefour et le solde par les investisseurs. Par ailleurs, la future entité lèvera 900 millions d'euros de dettes, qui ne seront pas portées par Carrefour, minoritaire au capital.

Avec l'apport de ses actifs, la sortie en cash pour Carrefour sera limitée à environ 100 millions d'euros.

Surtout, l'opération sera sans impact sur son ratio de dette, un point crucial pour le groupe qui, pour retrouver des capacités d'investissement et de développement, a dû se désendetter massivement grâce à d'importantes cessions d'actifs.

"C'est astucieux. Cela leur permet d'avoir la main sur les galeries avec une sortie de cash limitée et sans supporter la dette", note Jean-Baptiste Teissier, analyste de Natixis.

L'opération a été bien accueillie par le marché, le titre Carrefour prenant 1,78% à 12h55 dans un marché en hausse de 0,89%, tandis que Klépierre grimpait de 2,6%.

UNE COTATION ENVISAGEABLE

Avec environ 800.000 m² de surfaces commerciales, la société détiendra au total 172 galeries en Europe, couvrant 43% du chiffre d'affaires des hypers de Carrefour en France, en Espagne et en Italie.

Elle projette d'investir environ 100 millions d'euros par an pendant cinq ans dans ses centres commerciaux.

"A moyen terme, une cotation du nouvel ensemble est envisageable", a indiqué une source proche du dossier. A l'image de Casino et sa foncière Mercialys.

La volonté de Carrefour de valoriser son immobilier coïncide avec la stratégie de Klépierre impulsée par son actionnaire américain Simon Property, consistant à céder ses moyennes surfaces pour se concentrer sur les très grandes.

L'opération, qui devrait être finalisée au deuxième trimestre 2014, devrait générer pour Klépierre un produit net de 1,54 milliard d'euros lui permettant de rembourser des lignes de crédit et de réduire son endettement - à moins de 40% - et le coût de sa dette à moins de 3,2%. Klépierre pourra aussi allouer plus de capitaux dans ses projets de développement.

Avec Dominique Vidalon, édité par Dominique Rodriguez