Thomas Mulcair écartelé entre le Québec et le Canada

À la suite de son élection comme chef du Nouveau parti démocratique, Thomas Mulcair devrait remercier discrètement Gilles Duceppe et ses principaux lieutenants du Bloc Québécois. Pendant 20 ans, ils se sont trop souvent comportés comme la filiale québécoise du NPD alors qu’ils avaient été élus pour constituer un bloc national du Québec à Ottawa. La confusion idéologique entre le Bloc et le NPD a sans doute été un des éléments qui ont amené les électeurs québécois à voter Jack…

Le nouveau chef du Bloc Daniel Paillé va-t-il enfin comprendre cette réalité et cesser de donner la priorité aux intérêts des centrales syndicales et des différents lobbies de gauche sur l’intérêt national du Québec. Paillé ne doit jamais rater une occasion de se démarquer de Mulcair et du NPD. Il se doit de rappeler constamment la longue tradition centralisatrice de ce parti. De la nuit des longs couteaux, au rapatriement unilatéral de la constitution, en passant par le refus des accords du lac Meech, les agissements du NPD contre la volonté d’affirmation nationale du Québec ne manquent pas.  Il devrait aussi se fixer comme objectif de convaincre les députés néo-démocrates du Québec (au moins ceux qui comprennent le français)  de rejoindre sa formation.

Des trois partis politiques anglo-canadiens, le NPD est celui qui a le moins de racines chez nous, bien que la majorité de ses députés soit du Québec. Mulcair sait bien que le raz de marée Layton ne se reproduira plus jamais au Québec. Sa stratégie électorale à long terme doit être de gagner des sièges au Canada pour compenser ceux qu’il va perdre au Québec. Cela l’oblige à attirer les électeurs du parti libéral. Ça va l’empêcher de défendre des causes québécoises qui pourraient braquer l’opinion publique anglophone et en particulier l’électorat libéral.

Le Bloc de son côté doit placer Mulcair dans la position insoutenable de défendre les intérêts du Québec sur des questions où il y a des divergences inconciliables entre le Québec et le reste du Canada. Il pourra ainsi rappeler à Mulcair que son parti s’est engagé à reconnaître l’indépendance du Québec après un référendum qui donnerait un appui à l’indépendance de 50 % plus un des électeurs. Cette position est rejetée par l’immense majorité des Canadiens et va à l’encontre d’un jugement de la Cour suprême du Canada qui a statué à la demande de Stéphane Dion.

Après avoir été désarçonné par le vote d’humeur qui a presque détruit le Bloc, le PQ est de nouveau en position pour prendre le pouvoir lors du prochain scrutin québécois dans moins d’un an. Le PQ, selon les derniers sondages, a fait le plein de vote de gauche en s’emparant de la moitié des électeurs potentiels de Québec Solidaire. L’objectif de Marois  doit maintenant être de siphonner ce qui reste des électeurs de François Legault. En un mot, faire du PQ un véritable rassemblement pour l’indépendance nationale plutôt que la succursale locale de l’internationale socialiste ou le porte-voix des syndicats de la fonction publique.

Il devient de plus en plus évident que la gibelotte Legault-Sirois n’a pas pris. Que les excités et les autres impatients de l’indépendance se rassurent. Le retour au pouvoir de Marois, même avec la « gouvernance nationale » la plus timide, va braquer le Canada anglais. L’élection d’un gouvernement majoritaire sans aucun appui du Québec l'a convaincu qu’on peut dorénavant ignorer toutes ses revendications, même les plus anodines.  

Le parlement fédéral issu de l’élection du 2 mai, malgré l’effondrement du Bloc, reflète toujours l’affrontement séculaire entre les deux nations. Une majorité des électeurs du Canada anglais a voté à droite alors que les Québécois ont voté à gauche. La fissure politique fondamentale du Canada a ressurgi alors même qu’on croyait, du côté des Anglais, l’avoir fait disparaître.

Cette même fissure va écarteler Thomas Mulcair au sein même de la formation qu’il dirige.