Publicité

Quand la Fête nationale prend des allures de veillée funèbre

Ma première chronique de l'année 2011 s'intitulait « Vers une remontée du courant indépendantiste au Québec ». J'y signalais que divers sondages indiquaient un regain de ferveur patriotique et une remontée de l'idée d'indépendance du Québec.

Une répartition des intentions de vote par le Globe and Mail accordait la victoire au PQ même si Legault formait son parti. Ces intentions de vote s'appuyaient sur des tendances profondes de la population du Québec. Une enquête de l'Association des études canadiennes en décembre 2010 révélaient que près de 70 % des résidents du Québec se définissent d'abord ou exclusivement comme Québécois et de plus en plus de Québécois considéraient le Québec comme leur seule patrie.

Maintenant, je sais que tout cela ne voulait absolument rien dire.

J'écrivais : « À moins d'un renversement de tendance inimaginable actuellement, d'ici deux ans, le PQ va être porté au pouvoir à Québec, tandis que le Bloc va voir sa députation renforcée à Ottawa. Les conditions vont donc être réunies pour que le processus menant vers l'indépendance soit enclenché pour la troisième fois. »

Le renversement inimaginable de tendance s'est produit et le Québec semble maintenant plus loin de réaliser son indépendance que jamais depuis la fondation du Rassemblement pour l'Indépendance Nationale en 1960.

Le processus de destruction du mouvement indépendantiste a commencé avec l'élection fédérale du 2 mai dernier où les Québécois avec une bonhommie insouciante ont exterminé le Bloc québécois, lui préférant un parti centralisateur représenté au Québec par des inconnus souvent sans racines et étrangers à la culture nationale.

Le phénomène m'est encore inexplicable. J'ai eu beau chercher dans l'histoire politique des cent dernières années en occident, je n'ai rien trouvé de semblable. Un peuple rejette massivement et sans préavis un parti politique jusque-là respecté et dominant sans raison évidente, sans justification. Évoquer la lassitude et le besoin de changement n'est pas une explication rationnelle.

L'anéantissement du BQ a eu de profondes répercussions psychologiques sur les militants indépendantistes qui ont pensé sans vouloir l'admettre : « En rayant le BQ de la carte, les Québécois viennent d'opposer une fin de non-recevoir à l'idée d'indépendance. » Le sentiment de rejet massif et d'impuissance devant l'inintelligibilité et l'étendue de l'humiliation a fait ressurgir des ressentiments contradictoires de ceux qui depuis des années trouvaient que le PQ marquait le pas. D'où la rage d'autoannihilation actuelle au Parti québécois applaudie au Canada anglais avec une hilarité incrédule. Pas besoins de complots sordides, de manœuvres sinistres, d'intrigues inavouables, laissons les Québécois s'autodétruire.

À moins d'un miracle, les chances du Parti québécois de prendre le pouvoir aux prochaines élections et même de rester l'opposition officielle sont presque nulles. Et le temps joue contre nous.

L'idée d'indépendance va survivre au désastre. Mais la possibilité de réaliser l'indépendance va devenir de plus en plus incertaine à cause de l'effet conjugué de la démographie et du vieillissement de la population. Les Québécois francophones sont de moins en moins nombreux et de plus en plus vieux. Aucun peuple vieillissant n'est à l'origine de grands bouleversements politiques. Les vieux regardent passer l'Histoire, ils ne la font pas. Cela semble maintenant être notre destinée.

Dans le futur, on considérera sans doute que le 2 mai 2011 marque la fin du rêve et le début du déclin national. Les Québécois semblent avoir massivement opté un dépérissement tranquille de leur nationalité, pour le statut de Louisianais du Nord.

Ce jour de Fête nationale a les allures de veillée funèbre.