Nycole Turmel, les syndicalistes québécois et l’assiette au beurre fédérale

À en croire Nycole Turmel, ancienne présidente de l'Alliance de la fonction publique du Canada, elle ne s'est jointe au Bloc Québécois que par amitié pour sa députée Carole Lavallée. Et elle n'a adhéré à Québec Solidaire que parce que c'était une formation de gauche. Dans les deux cas, l'option souverainiste des partis n'avait pas d'importance pour elle. Drôle de défense. Pas celle, en tout cas, d'une fédéraliste convaincue. Mais ce n'est pas la première fois qu'un dirigeant syndicaliste québécois en fin de carrière est attiré par l'assiette au beurre fédérale.

Deux cas me viennent à l'esprit, d'abord celui de Michel Agnaieff. Président fondateur du Conseil québécois pour la Paix, artisan de l'adoption de la ligne marxiste à la Centrale des Enseignants du Québec, il deviendra le numéro deux de la CEQ sous Yvon Charbonneau.

Le directeur général de la CEQ sera recruté par le chef du NPD, Ed Broadbent, qui fera de lui le président associé du NPD-Canada, un peu le poste que Thomas Mulcair occupe présentement auprès de Jack Layton.

L'affaire tourne mal lorsque le Journal de Montréal révèle qu'Agnaieff est sous la surveillance des services secrets fédéraux depuis son arrivée au Canada d'Égypte dans les années 60. On le soupçonne d'être un agent d'influence soviétique. Il porte plainte au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, mais ce dernier estime que le SCRS avait raison de le surveiller. Candidat du NPD à l'élection fédérale de 1985, Michel Agnaieff finit loin derrière le libéral Reed Scowen, dans Notre-Dame-de-Grâce. Il quittera ensuite discrètement le NPD pour se joindre à la fonction publique fédérale. Il deviendra haut fonctionnaire de l'ACDI et président de la Commission canadienne de l'UNESCO.

L'autre cas est celui du patron d'Agnaïeff à la CEQ, Yvon Charbonneau, longtemps président de la Centrale. Dans les années 70, la CEQ, dont la direction est infiltrée par des groupuscules communistes, est marxiste et indépendantiste. Avec la FTQ et la CSN, la CEQ participe à des confrontations avec le gouvernement libéral de Robert Bourassa qui mèneront Charbonneau et les chefs des deux autres centrales syndicales en prison.

Après avoir dirigé de nouveau la CEQ dans les années 80, Charbonneau comprend que son avenir n'est pas du côté de ses camarades syndiqués ou même des travailleurs et des travailleuses. Il signale aux pouvoirs établis qu'il est disposé à « rentrer du froid ». Bourassa, qui l'a mis en prison, le nomme président d'une commission d'enquête sur les déchets dangereux. Il passe ensuite chez SNC-Lavalin comme vice-président aux relations publiques avant de se faire élire député libéral à l'Assemblée nationale. Mais l'ambition de notre transfuge ne s'arrête pas là. Il fait le saut à Ottawa en devenant député libéral d'Anjou Rivière-des-Prairies aux Communes. En 2004, lui qui était jadis sous la surveillance sur service de sécurité de la GRC, deviendra secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique. Et, en apothéose, le renégat Charbonneau sera finalement nommé ambassadeur du Canada à l'UNESCO à Paris pour le remercier des éminents services qu'il a rendus au parti libéral et au Canada.

Tout au long de son histoire, le Canada a toujours su traiter avec la plus grande considération les renégats, les transfuges et les vire-capot québécois à la recherche d'émoluments. C'est pourquoi la liste, déjà longue, va sans doute s'allonger rapidement au cours des prochaines années.