Les idiots utiles de Jean Charest et nos névroses collectives

Les Québécois sont un peuple de suiveux. Pendant 250 ans, on a suivi l’Église catholique. Des moutons peureux blottis autour d’un pasteur à soutane noire. Le deal était que les Anglais laissaient les curés collecter la dîme et, en retour, ils assuraient le pouvoir colonial britannique de la docilité de leur troupeau.

À compter des années 60, près de cent ans après la France, l’Église catholique a perdu son influence au Québec. Mais les mentalités prennent des siècles à changer. Le besoin de faire comme tout le monde, de se conformer est presque encore aussi fort dans le Québec d’aujourd’hui. Et les nouveaux médias sociaux favorisent notre mentalité de troupeau.

L’année passée, il y a eu le phénomène Layton  alors que des centaines de milliers de Québécois ont voté pour de parfaits inconnus pour faire comme tout le monde, parce qu’ils représentaient un cancéreux sympathique qui faisait l’unanimité médiatique.

On assiste à une nouvelle névrose collective, à un niveau puéril cette fois. Des centaines de milliers de Québécois ont manifesté leur infantilisme politique dans un tintamarre de casserole digne d’un pays sous-développé. La plupart ne savait pas exactement pourquoi ils agissaient ainsi. Par mimétisme. Ils le faisaient parce que les voisins jouaient de la casserole et que la petite dernière âgée de 5 ans voulait, elle aussi, faire du bruit. Qu’est-ce que les voisins vont dire si on reste tranquille? Ils vont penser qu’on est différent, qu’on se considère mieux que tout le monde. Le besoin maladif de conformisme social des Québécois s’est enclenché.

Tout le monde spécule sur les conséquences politiques du boycottage étudiant. À mon avis, les jeunes bouffons qui paradent dans les rues du Québec dans de drôles d’accoutrements (ou sans accoutrement du tout), aident surtout Charest, le pire premier ministre de l’histoire du Québec, à se faire réélire. Voici comment.

Les Anglos-ethniques qui votent massivement pour le parti libéral vont l’appuyer encore plus massivement. Les grandes manifestations leur ont fait peur. Certains d’entre eux, qui n’étaient pas allés voter à la dernière élection, vont y aller cette fois. Le milieu scolaire anglophone n’a pratiquement pas été touché par le boycottage qui était essentiellement francophone.

Par leurs perturbations sociales depuis plus de trois mois, les étudiants écœurent les sans-emplois, les vieux, les travailleurs qui n’ont pas d’éducation postsecondaire et les «sous doués». Ces électeurs potentiels qui s’étaient peut-être éloignés des libéraux seront tentés de revenir au bercail où d’aller chez les caqueux pour faire un bras d’honneur à la grogne estudiantine.

Oui, mais les jeunes qui sont descendus dans la rue, vous allez me dire, ne voterons pas pour Charest? Certainement pas. Premièrement, ils ne sont guère représentatifs puisqu’ils ne constituent que le tiers des étudiants postsecondaires et que la majorité des jeunes au Québec cesse ses études avant d’atteindre le niveau collégial. Donc la plupart des jeunes, s’ils se donnent la peine de voter, vont voter comme leur entourage dont la vie a été chamboulée par les manifestations. D’autres électeurs potentiels pour Charest.

Restent enfin les perturbateurs, leurs parents et leurs amis. S’y retrouve déjà une majorité d’électeurs et des sympathisants du Parti Québécois. Mais la rue les a sans doute radicalisés comme les propos de leurs leaders favorables à une transformation radicale de l’ordre social. Des recrues idéales disposées à marcher en rang serrer derrière Amir Khadir et sa fille sous la bannière de Québec Solidaire.

On entend partout depuis quelques temps de vieux niais applaudir la jeunesse défilante qui se serait enfin réveillée pour assurer l’avenir du Québec. Les jeunes ne sont pas l’avenir du Québec. Ils sont la fin d'une parade qui ne va nulle part. Avez-vous oublié que nous sommes une société à la démographie rapidement déclinante? L’avenir du Québec est aux marcheurs à marchettes. Les générations montantes multiculrelles, pluriethniques et omnisexuelles ne sont plus constituées de Québécois de souche dont les revendications historiques les indiffèrent totalement. 

La prochaine élection est la dernière chance pour le Québec français de porter au pouvoir un parti indépendantiste. L’année dernière, ce même Québec français a renié le Bloc Québécois sans raison apparente, frappé par une névrose stridente de compassion pour Jack Layton.  En soulevant la peur des éléments les plus réfractaires à l’indépendance,  pour une question monétaire dérisoire, les enfants de notre petite bourgeoisie ont contribué à lui donner le coup de grâce. « Mes idiots utiles», doit ricaner Jean Charest.