Le scandale du CUSM et le PLQ

J’ai été très dur dans cette chronique avec le responsable de l’UPAC, le commissaire Robert Lafrenière, dans les mois qui ont suivi sa création. J’avais l’impression que l’unité anti-corruption n’allait nulle part, qu’elle évitait de s’en prendre au gros gibier pour cibler les mairesses de village.

J’y soupçonnais une ingérence de l’ancien gouvernement libéral. Aujourd’hui, je corrige le tir. L’UPAC a pris du temps, mais elle fonctionne maintenant à plein régime. Bravo à Lafrenière et à ses enquêteurs. Il est vrai qu’il y a eu un changement de gouvernement.

Je suis content que le ministre Réjean Hébert ait demandé d’élargir l’enquête sur le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) pour y inclure les transactions immobilières douteuses qui lui ont fait perdre de gigantesques sommes d’argent. L'UPAC a déjà mis en accusation l'ex-PDG de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime en rapport avec le contrat de construction du mégahôpital.

Au cœur de l’intrigue, encore une fois l’inénarrable Docteur Arthur Porter. Une transaction qu’il a réalisée est particulièrement troublante. Celle impliquant de l’édifice situé à côté de l’Hôpital Général, au 1750, avenue Cedar. L’immeuble est inutilisable par le CUSM à cause du zonage. Il a été acquis du promoteur immobilier Vincent Chiara à l’équivalent de 1000 $ le pied carré, «une valeur dépassant largement les valeurs du marché immobilier», selon les vérificateurs.

Et qui donc est ce Vincent Chiarra? Le livre Mafia Inc. d’André Cédilot et d’André Noël, révèle qu’il a agi, alors qu’il pratiquait le droit, comme avocat de la famille mafieuse Caruana, associée aux Rizutto, poursuivie par Revenu Québec en 1997. Depuis Chiara s’est recyclé dans l’immobilier où il s’est associé à la famille Saputo. Le journal Les Affaires indique que les Saputo et leurs partenaires Giuseppe Borsellino et Vincent Chiara sont propriétaires de la Tour de la Bourse, de la Tour CIBC et des immeubles du 1060 et du 1100, rue University.

Le Globe and Mail signale que le vérificateur de la ville de Montréal, Michel Doyon, a demandé à la SQ d’enquêter sur la vente par la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) d’un édifice à un prix inférieur à sa valeur marchande et sans appel d’offre à une compagnie à numéro où Vincent Chiara, Joey Saputo et Giuseppe (Joe) Borsellino figurent parmi les propriétaires. Sous Gérald Tremblay, Chiara s’occupait aussi du financement d’Union Montréal.

Me Chiara est aussi gouverneur de la Fondation Communautaire canadienne italienne avec d’autres personnalités italo-canadiennes éminentes, dont Tony Accurso, Frank Catania, Lino Saputo, Frank Zampino, Joe Borsellino, Rocco Di Zazzo, Tony Tomassi et Alfonso Gagliano. Le premier ministre Charest et sa femme sont des habitués du bal annuel à 1000 $ le couvert de l’organisme philanthropique, selon Le Devoir. 

Au sujet du fiasco du CUSM, notons que le rapport de vérification remis au ministre Hébert déclare que la fondation du CUSM a été utilisée pour cacher la transaction des autorités. La CAQ rappelle quant à elle que «la presque totalité des membres du conseil d’administration de la fondation sont de très généreux donateurs au PLQ, tout comme le propriétaire du terrain, Vincent Chiara, et le PDG de l’hôpital, Arthur Porter.»

Qui a nommé Porter au poste de PDG du deuxième plus important centre de santé du Québec? Nul autre que le candidat actuel à la chefferie du PLQ et ancien ministre de la Santé, son pote, Philippe Couillard. Les deux amis ont même créé ensemble une entreprise de consultants en santé. Les compères siégeaient également au Comité de surveillance des activités de Renseignements de sécurité qui a la responsabilité de contrôler, au nom du Parlement, les opérations des services secrets fédéraux. Ils sont donc manifestement au-dessus de tout soupçon!

Est-ce possible que ni Couillard, ni personne d’autre dans notre lourde bureaucratie de la santé ne se soit donné la peine de vérifier les antécédents de Porter. Il venait de quitter précipitamment à mi-mandat son poste de responsable des hôpitaux publics de Détroit qu’il laissait dans une situation financière désastreuse.

Le Dr Porter a été démissionné du CUSM fin 2011. Il est actuellement sous enquête pour avoir utilisé les ressources du réseau de la santé pour d’importantes transactions d’affaires personnelles. L’Université McGill cherche à se faire rembourser un prêt de 300 000 $ qu’on lui a consenti pour acheter un luxueux condo. Porter s’est depuis réfugié aux Bahamas, où il est propriétaire du plus important bar à danseuses de Nassau.

Robert Lafrenière et l’UPAC s’attaquent à du gros - du très gros - gibier. Heureusement pour nous que le PLQ ne soit pas au pouvoir. Les magouilleurs et les affairistes ont perdu leur bouclier rouge.