Publicité

Le prix unique du livre neuf peut-il sauver les librairies indépendantes?

Ce n’est pas seulement l’édition de livres qui est bouleversée actuellement. Notre entrée dans l’ère numérique est en train de chambarder la façon de diffuser tous les écrits. Plusieurs journaux ont déjà annoncé qu’ils cessent ou qu’ils vont cesser dans quelques années de publier sur papier pour transiter vers internet.

L’édition papier d’écrits est-elle condamnée? Je ne crois pas. Mais une chose est certaine: le papier cède au numérique sa position dominante pour transmettre la connaissance. L’écrit sur papier va quand même survivre. Comme la radio a survécu à l’arrivée de la télévision dans les années 50 pour occuper encore aujourd’hui une place importante dans la vie quotidienne de la plupart des contemporains.  

C’est dans ce contexte qu’à l’Assemblée nationale on discute présentement d’une loi pour imposer un prix unique du livre neuf. La mesure vise essentiellement à sauver les librairies indépendantes.

Elles perdent chaque année des parts de marché aux grandes surfaces qui accordent des rabais substantiels sur les nouveautés que les petites librairies ne peuvent concurrencer. Les grandes surfaces accaparent déjà de 11 % des ventes de livres. Quelque 25 librairies québécoises ont fermé leurs portes depuis 2010. Les librairies indépendantes distribuent jusqu’à 3000 titres différents alors que les grandes surfaces se limitent aux quelques 300 «meilleurs vendeurs».

L’éditeur Jacques Fortin de Québec Amérique considère qu’adopter une politique de prix unique ne ramènera pas les clients des grandes surfaces dans les librairies et, qu’au contraire, elle va avoir pour conséquence de diminuer le nombre de livres québécois vendus, les clients des grandes surfaces refusant d’aller acheter des livres en librairies au plein prix. Les grandes surfaces vendent leurs livres 30 % moins chers.

Il ne faut pas oublier la navrante réalité qu’on lit moins au Québec que dans le reste du Canada et que le taux d’analphabétisme est ici plus élevé qu’ailleurs. C’est une de nos tares culturelles. On est aussi parmi les plus pauvres des Canadiens. Il ne fait donc aucun doute que le prix du livre influence grandement les décisions d’achat du lecteur québécois.

Je pense comme Fortin qu’il est illusoire de penser qu’on va sauver les petites librairies par l’imposition d’un prix unique aux livres nouveaux. Ce qui va arriver, selon moi, c’est qu’on va ainsi encourager les lecteurs des livres papier, attirer par les prix plus bas des livres numériques, à faire la transition vers leur achat en ligne à partir de chez eux.

Que faire alors pour redynamiser commercialement les librairies indépendantes? Dans tout ce qui a été écrit jusqu’à maintenant à ce sujet, la suggestion la plus intéressante, à mon avis, vient de l’ancien patron de Loto-Québec, Gaétan Frigon. Il estime que l’avenir des petites librairies est dans la création de regroupements comme cela s’est produit en alimentation et en pharmacie. Le libraire pourra ainsi bénéficier de la force du nombre pour ses achats, ses stratégies de mise en marché, son image de marque et sa publicité.

Les libraires indépendants ont déjà pris une initiative intéressante dans cette direction avec la création du site transactionnel RueDesLibraires.com, une coopérative qui regroupe 90 librairies francophones indépendantes. Le site offre 250 000 livres en langue française dans leurs formats papier et numérique. Il permet au client de soutenir sa librairie locale tout en achetant sur le Web.

Le ministre de la Culture Maka Kotto doit encourager les libraires indépendants à aller plus loin. Québec les a aidé à s’informatiser et à s’adapter au commerce internet. Il doit maintenant favoriser leur regroupement. À Quand les Métro, les Proxim et les Uniprix dans le secteur du livre?