Le PQ lève le voile sur sa charte de laïcité : des élections au printemps

J’étais convaincu que Pauline Marois sauterait sur l’occasion et qu’elle modifierait sa charte de la laïcité pour en faire une version « allégée» comme le proposaient Lucien Bouchard et Jacques Parizeau. Ils estimaient que le projet de charte allait trop loin en interdisant le port de tout signe religieux par les employés de l'État.



Mais non, elle persiste et signe. Le gouvernement Marois refuse d’«accommoder» le projet pour le rendre acceptable à tout le monde. Et, en particulier, à la Coalition Avenir Québec dont les voix sont déterminantes à l’Assemblée nationale pour assurer sa survie.

Lorsque le leader du gouvernement en chambre, Stéphane Bédard, a précisé lors de son dépôt que le projet de loi engageait la responsabilité du gouvernement, tout le monde a compris l’intention de Marois. Le Parti québécois opte pour des élections générales au printemps 2014 qui porteront sur sa fameuse charte. Tous les sondages jusqu’ici indiquent qu’il jouit, sur cette question, de l’appui d’une majorité de Québécois. Elle est plus importante chez les francophones qui sont encore fortement majoritaires dans un grand nombre de circonscriptions. La stratégie est habile. Ça va éviter que le gouvernement tombe sur un vote de censure du budget que Marceau va devoir déposer au printemps.

Les stratèges péquistes considèrent que la ligne dure que le PQ va défendre lors de l’étude en commission parlementaire et les réactions outrées de ses ennemis au Québec et à Ottawa vont lui être favorable. Le débat devrait ainsi être omniprésent dans l’actualité jusqu’au début de mars alors que le gouvernement va mettre son projet de loi au vote et être battu. Le gouvernement déclenchera ainsi des élections au début d’avril et s’assurera d’une confortable majorité de sièges à l’Assemblée nationale.

Le nom de la Charte a changé. Bernard Landry avait raison de dire que ce n’était pas une charte des valeurs québécoises, mais une simple charte de la laïcité. C’était une vision réductrice de nos valeurs. Mais pourquoi ce nom ridicule de « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement »? Les avocaillons de l’État sont vraiment tous atteints de logorrhée. C’est une maladie professionnelle chez eux.

Le projet de loi est unanimement décrié à Ottawa. Le ministre fédéral du Multiculturalisme, Jason Kenney, évoquant le jugement de la Cour suprême sur le port du kirpan à l'école, estime que s'il est adopté, il sera invalidé comme inconstitutionnel par le plus haut tribunal du pays. De son côté, le chef du NPD, Thomas Mulcair Mulcair crie au scandale et met son homme de main, Julius Gray, en état d’alerte. Justin Trudeau et Stéphane Dion, qui représentent tous deux des circonscriptions à concentration musulmane, font chorus avec les harpériens outragés. Ça ne peut que réjouir Pauline Marois et lui donner un argument de plus pour montrer comment le système confédératif canadien impose un carcan au Québec et l'empêche de développer des valeurs qui lui dont propres et de son caractère distinct. Le reste du Canada nous déteste parce que nous sommes différents. Et que nous voulons le rester. C’est l’histoire du Canada depuis 1763.

La question identitaire est la carte maitresse du Parti Québécois. Sa raison d’être. La charte de la laïcité va lui permettre de jouer à fond cette thématique porteuse aux prochaines élections.

Entretemps, le PQ peut aussi espérer que de nouvelles révélations sur le triumvirat Mafia-PLQ-FTQ à la commission Charbonneau souillent encore plus la réputation des libéraux et affaiblissent leur attrait électoral d’ici au printemps.