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L’arsenal nucléaire américain: une organisation de broche à foin?

Quand j’ai lu cette nouvelle il y a quelques jours, j’ai pensé qu’on pourrait en faire une comédie satirique impitoyable dans le genre Dr Stangelove («Docteur Folamour»), le célèbre film de Stanley Kubrick.

Dix-sept officiers de l’aviation américaine se sont vus retirer l’autorité de lancer des missiles nucléaires après une série d’erreurs, d’indisciplines et d’insouciances qui ont amené leur commandant à parler de «pourriture» dans les rangs.

La mesure disciplinaire a été décidée à la suite d’une inspection de la base nucléaire de Minot au Dakota du Nord. Ces hommes, qui avaient le doigt sur la gâchette nucléaire américaine, ont obtenu la note D dans un test destiné à vérifier leur maîtrise du système de lancement des missiles balistiques intercontinentaux Minuteman III.

Et ce qui est encore plus troublant, c’est qu’il a fallu que l’agence Associated Press découvre le fait pour que l’aviation américaine le reconnaisse. Dans un premier temps, l’US Air Force avait publié un communiqué mensonger décrivant l'inspection comme un succès. Il semble que les vérifications de compétences sur deux autres bases lance-missiles, au Montana et au Wyoming, ont donné d'excellentes notes. Mais là aussi, il faut croire les bonimenteurs du Pentagone.

Une série de courriels obtenus par l’AP parlent d’officiers indisciplinés, qui remettaient en question et contrevenaient aux ordres de leurs supérieurs. Indolents, négligents et paresseux, ils violaient systématiquement des règles de sécurité pour se faciliter le travail. Au point même de compromettre les codes secrets de lancement des missiles.

Le bordel et la pagaille règnent à Minot depuis des années. En 2007, six missiles nucléaires ont été installés par erreur sur un bombardier stratégique B-52 avant qu’il décolle en direction d’une base aérienne de Louisiane traversant ainsi le territoire des États-Unis du nord au sud dans sa totalité sans que l’équipage sache que l’avion transportait de telles armes. En 2008, des détonateurs d’ogives nucléaires avaient été expédiés par erreur à Taiwan de l’autre côté du Pacifique. Quelqu’un avait confondu leurs numéros d’identification avec ceux d’autres pièces d'équipement. Les auteurs de la gaffe avaient réussi à dissimuler leur bévue à leurs supérieurs qui n’ont découvert l’affaire que 18 mois après les faits.

Un loustic pourrait se demander si les jean-foutres qui semblent grouiller dans les rangs de ceux à qui l’US Air Force confie la gestion de son arsenal stratégique ne sont pas la principale menace nucléaire pour les États-Unis. Espérons, tant pour la sécurité des États-Unis que la nôtre, que leur bouclier de défense antimissile est géré de manière plus compétente.

Les officiers mis en cause font partie des équipes en état d’alerte 24 heures par jour qui attendent depuis 60 ans l’ordre qui ne vient jamais du président américain de lancer une attaque nucléaire. Ils se sentent totalement inutiles, coincés dans un job cul-de-sac. Ils n’ont pas tort. Depuis longtemps, ces fonctions sont occupées par des militaires dont on ne sait trop quoi faire. Un travail destiné à ceux qu'on veut tabletter parce jugés incapables ou incompétents.

Les États-Unis possèdent actuellement plus de 5 000 armes nucléaires. L’idéal serait bien évidemment le désarmement nucléaire complet, mais ça n’arrivera pas de sitôt: au contraire, plusieurs pays sur la planète rêvent de se doter de telles armes. Même dans ce contexte, des experts estiment que les Américains pourraient assurer adéquatement leur sécurité avec un arsenal nucléaire dissuasif de moins de mille ogives.

Le nouveau secrétaire à la défense Chuck Hagel a affirmé dans le passé que les États-Unis devaient réduire considérablement leur arsenal nucléaire. Les révélations actuelles devraient l’inciter à en faire une priorité.

On a envisagé à plusieurs reprises la fermeture pure et simple de cette base de Minot. Mais les politiciens et les électeurs du coin s’y sont opposés. Une réduction draconienne de l’arsenal nucléaire signifierait des milliers de pertes d’emplois et des réductions de revenus de centaines de millions de dollars pour ces régions excentrées des États-Unis. Pensez à ce qui est arrivé ici lorsque Québec a décidé de fermer la centrale nucléaire de Gentilly