La SQ veut-elle dissimuler l'étendue de son infiltration par la mafia?

L’agent Serge Parent de la Sûreté du Québec comparait actuellement à huis clos en audience disciplinaire devant trois officiers supérieurs qui vont décider de son sort. Il est suspendu depuis son arrestation et sa remise en liberté en 2007.

Il a plaidé coupable en janvier de cette année de complot pour faire disparaître une contravention pour excès de vitesse remise à Frank Arcadi, l’un des underboss du clan Rizzuto. Le juge Robert Marchi de la Cour du Québec a imposé à l’agent Parent une condamnation avec sursis de 180 heures de travaux communautaires. Il s’est ainsi retrouvé avec un casier judiciaire qui devrait normalement entrainer sa destitution. Son audience disciplinaire se prolonge depuis avril dernier. À la SQ, la discipline n’a rien de sommaire.

Voici donc le film de cette bien étrange histoire. Le 17 juillet 2003, Frank Arcadi est arrêté pour excès de vitesse alors qu’il revient d’une partie de golf avec un de ses hommes de main, Lorenzo Giordano. Sitôt rentré chez lui, le caïd appelle au Club social Consenza, le QG de l’organisation Rizzuto, et parle au gérant, Giuseppe Lazzara. Arcadi lui dit de faire disparaître sa contravention, comme si c’était une requête routinière, un petit service qui a été rendu à plusieurs reprises dans le passé à lui ou à d’autres chefs du clan. La GRC est à l’écoute dans le cadre du projet Colisée.

Lazzara téléphone à l’agent Serge Parent, son neveu, au service de la surveillance physique (filature) de la SQ. Le soir même, la contravention émise à Arcadi a été volée et détruite. Avec la complicité du sergent Guy Senécal, maintenant décédé, toute trace de l’infraction a disparu des registres. Le lendemain, Lazzara avise Arcadi qu’il pouvait déchirer le billet.

La GRC a immédiatement informé la SQ de la présence d’une taupe mafieuse en son sein, lui enjoignant de ne pas intervenir tant que l’Opération Colisée ne sera pas terminée. Ce n’est qu’en 2007 que la SQ porte des accusations contre son agent. Il a fallu attendre 5 ans, en 2012, pour que son procès débute, qu’il plaide coupable et qu’il soit finalement condamné. La justice au Québec n’est pas expéditive.

Plusieurs choses dans cette affaire «clochent». Il est troublant que la SQ n’ait pas su avant de l'apprendre de la GRC qu’un membre de son service de filature avait des liens familiaux avec Lazzara, le gérant du Consenza et un proche d'Arcadi, un criminel notoire.

Arcadi, purge actuellement une peine de prison de 15 ans, reçue dans le cadre de Colisée. Il supervisait au sein du clan Rizzuto l’importation et la distribution de drogue et gérait un réseau international de paris sportifs sur Internet en collaboration avec des Mohawks de Kahnawake. 

La SQ a été très peu loquace sur cette affaire qui dure maintenant depuis près de dix ans. De 2007 à janvier de cette année, Parent a été payé à demi-salaire. Depuis qu’il a plaidé coupable, il encaisse de nouveau son plein salaire, comme l’exigent les curieuses règles contractuelles de la SQ, tant qu’il n’aura pas été radié du corps policier. L’organe disciplinaire de la SQ doit de nouveau se pencher sur son cas le 30 novembre. Mais d’ici là son avocat a l’intention de contester en Cour supérieure sa compétence de renvoyer son client.

Parent soutient en effet que la poursuite lui a garanti qu’il ne serait pas congédié de la SQ s’il plaidait coupable et évitait ainsi un procès public. Il n’a jamais eu à témoigner et n’a jamais impliqué de complices sauf évidemment son collègue décédé. Qui a intérêt à empêcher que les détails de cette affaire soient ébruités?

On ne peut en rester là. Pensez-y. La Mafia a eu l’outrecuidance de téléphoner directement de son quartier général à un membre d’un service «sensible» de la SQ sur son lieu de travail pour lui ordonner de faire disparaitre un document accusatoire contre un de ses chefs. Mission promptement accomplie!

Serge Parent «travaillait» pour la mafia depuis combien de temps? Quels autres services a-t-il rendus au clan Rizzuto? Notre police nationale doit répondre publiquement à ces questions et expliquer ce qui semble être une embarrassante pénétration de son organisation par la mafia. 

On peut aussi se demander s’il n’y a pas d’autres Serge Parent à la SQ et jusqu’à quel niveau hiérarchique ils s’y sont incrustés. Le parti libéral du Québec avait, sous le gouvernement Charest, des «hommes d’influence» au plus haut niveau du corps policier, il ne serait donc pas étonnant que la mafia en ait eu également.