La double allégeance de John Baird

Israël devrait faire de John Baird un citoyen «honoris causa». Durant son récent séjour en Israël, notre ministre des Affaires étrangères a placé les intérêts de ce pays avant ceux du Canada. Tellement, qu’il mérite une médaille du gouvernement d’extrême droite de Netanyahu pour services rendus. D’ailleurs, il ne cache pas son parti-pris pour la cause israélienne: «I’m a true believer». J’y crois fermement.

C’est une véritable gifle qu’il a donnée au peuple palestinien. Baird a rompu avec la tradition qui interdisait aux ministres, hauts fonctionnaires et diplomates canadiens de se rendre à Jérusalem-Est, qui a été annexée illégalement «pour l’éternité» par Israël après la guerre de 1967. Le quotidien Haaretz affirme tenir de sources sûres que l’ambassade du Canada en Israël a exhorté en vain Baird à ne pas s’y rendre: difficile, sinon impossible, d’empêcher un connard malintentionné de faire des conneries.

Tous les officiels étrangers, même les Américains, refusent de rencontrer à leurs homologues israéliens dans cette partie de la ville sainte afin de ne pas paraître légitimer l’occupation israélienne. Elle va à l’encontre d’une kyrielle de résolutions des Nations-Unies, que le gouvernement israélien traite avec les égards qu’on a pour du papier de toilette usagé. Comme les Israéliens, Baird et son patron Harper, on le sait, méprisent l'ONU.

Poursuivant sa provocation Baird s’est paradé en compagnie de généraux israéliens sur le plateau du Golan, lui aussi annexé par Israël depuis 1981. L’annexion n'a jamais été reconnue, ni par le Canada ni par le reste du monde.

Le gouvernement israélien est engagé dans une campagne effrénée de colonisation des territoires palestiniens conquis par les armes durant la guerre des Six Jours. L’objectif est d’y installer le plus grand nombre de colons juifs possible afin de réaliser, de facto, le «Grand Israël», de la Méditerranée au Jourdain, rêvé par les idéologues sionistes. Plus de 500 000 Israéliens, souvent des fanatiques religieux, vivent actuellement dans des colonies fortifiées en Cisjordanie qu’ils appellent des termes bibliques de Judée et de Samarie.

La colonisation israélienne a atteint un tel niveau que tout retrait est maintenant inconcevable. Les chances de voir se créer deux États, un juif et un arabe, vivants en paix, côte à côte, sont dorénavant presque nulles. L’État juif veut maintenir sa suprématie sur l’ensemble des territoires conquis en 1967, quitte à y tolérer un état fantoche palestinien à ses ordres.
 
Dans les faits, ce qui est en train d’apparaitre au Moyen-Orient, c’est un État apartheid, à l’image de l’ancienne Afrique du Sud, où un peuple minoritaire impose par la force des armes sa domination à un autre, majoritaire, sur le territoire réuni d’Israël et de la Palestine. La démographie rendra les Palestiniens plus nombreux que les Israéliens dans les prochaines décennies.

Les dirigeants israéliens sont à créer les conditions pour des guerres en chaine avec, en conclusion, la possibilité d'un terrible Armageddon le jour, inéluctable, où un groupe terroriste ou un État musulman de la région aura aussi acquis des armes de destruction massive.

En rencontrant la ministre de la Justice israélienne dans ses bureaux de la vieille ville de Jérusalem, Baird a étalé au grand jour la complicité du Canada harpérien au projet israélien. La transgression impudente de Baird va être interprétée dans le monde arabe comme un endossement des crimes commis contre les Palestiniens. Devant la provocation de Baird, un porte-parole de l’OLP a simplement noté que notre irresponsable ministre des Affaires étrangères était en train de créer «un précédent très dangereux.»

Le Canada est le seul pays au monde avec les États-Unis, à soutenir inconditionnellement Israël dans sa confrontation avec le monde arabo-musulman. Le geste posé par Baird signale une intégration encore plus étroite du Canada dans ce qu’il faut bien maintenant appeler l’axe Ottawa-Washington-Tel-Aviv.