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L’Afrique du Sud après Mandela, l’envers de la médaille

Les élites politiques de la planète convergent vers l’Afrique du Sud. Au moins 91 chefs d’État et de gouvernement, des dizaines d’anciens dirigeants et 75 personnalités éminentes ont confirmé leur présence aux cérémonies officielles d’adieu à Nelson Mandela.

Mandela a libéré le pays du racisme blanc institutionnalisé et a réalisé une réconciliation raciale presque miraculeuse. Mais le père de la nation était conscient que de graves difficultés confrontent le pays et que ses successeurs n’étaient peut-être pas de taille.  Voici quelques sujets qui ne seront pas abordés par les dignitaires et les médias sur place pour les cérémonies.

L’Afrique du Sud, comme les autres pays émergents du BRICS, est frappée de plein fouet par la crise financière. Le journal Les Échos trace un bilan économique inquiétant du pays, victime d’une fuite massive de capitaux et affligé par de graves troubles sociaux.

Vingt ans après l’arrivée au pouvoir de l’African National Congress, la classe moyenne, maintenant multiraciale, a doublé pour compter 10 millions de personnes. Les payeurs de taxes se sont multipliés par huit. Mais les bénéficiaires de l’aide sociale presqu’autant. La contribution du secteur public à la richesse nationale a reculé depuis la fin de l’Apartheid malgré le recrutement massif de 2 millions de fonctionnaires supplémentaires...

Les blancs accèdent difficilement à des postes dans la fonction publique. En cette période de difficultés économique, ils sont victimes de la discrimination positive qui favorise maintenant l’accès des noirs au marché du travail. Dix pour-cent des Blancs sud africains (450 000 personnes) vivent sous le seuil de pauvreté comme la très grande majorité de la population noire.

Le pays fait face à une vague sans précédent de criminalité. Meurtres, agressions, cambriolages, sont en hausse. Le nombre de meurtres y est quatre fois et demie plus élevé que dans le reste du monde, selon l’Institut des études de sécurité de Pretoria. Trente-trois meurtres par jour sont perpétrés en Afrique du Sud.

Près de 50 000 viols de femmes et d’enfants sont déclarés à la police chaque année. Leur nombre réel serait dix fois plus élevé. Basée sur une étude des Nations-Unies, l'Afrique du Sud a le plus fort taux mondial de viol par habitant. Une femme née dans ce pays a plus de chance d'être violée que d'apprendre à lire. Plus du quart des hommes interrogés en 2009 par le Conseil de recherche médicale d'Afrique du Sud admettent avoir déjà violé quelqu'un. L'Afrique du Sud a aussi un des plus grands nombres de viols d'enfants et de bébés du monde.

Le pays compte le plus grand nombre de personnes infectées par le virus du sida. Un Sud-Africain sur cinq, 5 millions de personnes vivent avec le VIH. Chaque jour, mille Sud-Africains meurent du sida, soit 71% des décès chez les moins de 50 ans.  Soixante pour cent des personnes infectées par le VIH sont des femmes. Selon les spécialistes, la violence faite aux femmes explique en grande partie l'importance de l'épidémie. Les autorités politiques ont longtemps refusé de connaître la réalité de la maladie, l’ont ignoré ou ont tenté de la minimiser.

L’ANC fait face actuellement à une baisse énorme de popularité. Le président Jacob Zuma, au pouvoir depuis 2009, est mêlé à une kyrielle d’affaires de corruption. Mamphela Ramphele, une Sud-africaine à l’emploi de la Banque Mondiale accuse la classe dirigeante noire de l’ANC d’accaparer les impôts tirés des mines et de les utiliser pour se financer de grandes propriétés rurales. Le fossé entre les 8 millions de riches noirs et les 25 millions de pauvres s’élargit. Elle accuse les dirigeants de l’ANC d’être responsables d’un échec massif de gouvernance: «Notre pays, dit-elle, a perdu l'autorité morale et le respect international, dont il jouissait quand il est devenu une démocratie.»

Compagne de lutte de Mandela, elle a fait sept ans de prison pour son opposition à l’Apartheid, Ramphele, a l’intention de se présenter contre le président actuel Jacob Zuma aux élections de l’année prochaine.

Jacob Zuma et l’ANC vont tenter d’instrumentaliser les funérailles de Mandela pour  assurer leurs réélections. Je me demande si le polygame Zuma va être accompagné de ses nombreuses femmes légitimes pour accueillir les dignitaires étrangers à leur descente de l’avion.