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Des moutons, des suiveux et des caves les Québécois. L’explication historique.

J'ai été abreuvé d'injures et de reproches pour ma dernière chronique. Pas constructif, pas édifiant, négatif, décourageant. On dirait que des gens me lisent comme si j'étais un curé ou un preacher. Il faudrait que je raconte de belles histoires qui se terminent bien. J'essaie d'expliquer la réalité sociale et politique dans sa continuité historique et d'identifier, dans ma perspective, ceux qui font de bons coups, ceux qui sont dans l'erreur, ceux qui en profitent et ceux qui se font avoir. J'essaie d'amener les gens à prendre conscience de notre situation gravissime. Ce n'est pas avec euphémismes, des demi-mots et des périphrases que j'espère y arriver. D'ailleurs, ce n'est pas mon genre.

Les gens n'aiment pas qu'on évoque ouvertement nos tares nationales. En particulier d'être un peuple de « suiveux » et de moutons. Ce n'est pas moi qui ai inventé ces qualificatifs pour nous caractériser. Cela fait des générations qu'on les porte et, malheureusement, ils reflètent encore la réalité.

C'est une question de culture, de tradition et de mentalité. Vous avez vu les résultats de la dernière étude de la Fondation de l'entrepreneurship. Les Québécois de souches sont deux fois moins portés que les autres Canadiens à vouloir créer leur propre entreprise, à être leur propre patron.

Les Québécois, comme le dit Yvon Deschamps, veulent avant tout « une job steady, pis un bon boss. » Et c'est le gouvernement qui offre la job la plus steady et qui est le bon boss par excellence. Il ne risque pas de fermer ses portes ou de procéder à des mises à pied. Une job à vie. Même pour les médiocres.

Lancer sa propre affaire. Pensez-y pas! En plus d'être des suiveux, on est frileux. On n'a pas exactement le goût du risque. On est le peuple sur la Terre qui dépense le plus pour s'assurer et les compagnies d'assurance exploitent notre insécurité maladive! « Prendre des chances », ce n'est pas « nous autres » et ça va l'être de moins en moins, avec notre population vieillissante. Les vieux ne sont pas, en général, attirés par les défis, les changements, par le vent du large… Le risque chez nous se limite à mettre un « petit deux à la loto ».

Le sociologue germano-italien Robert Michels a démontré comment les masses italiennes à la fin du 19e siècle abandonnèrent l'Église catholique pour le socialisme. Après avoir pendant des siècles défilé, lors de la Fête-Dieu derrière des images du Christ et de la Vierge, du jour au lendemain, le bon peuple s'est mis à marcher, le premier mai, en brandissant des images de Marx et d'Engels. La vérité imposée d'en haut et les valeurs de solidarité de l'Église catholique avaient été reprises par les syndicats et les organisations politiques marxistes. Ce que les masses catholiques de l'Europe ont connu dans les années 1880-1900, nous, au Québec, nous l'avons vécu entre 1960 et 1980. Le même transfert s'est effectué de l'Église vers l'idéologie socialiste qui proposait une version laïque de la solidarité catholique et un paradis sur Terre plutôt qu'au-delà des nuages. Mais la mentalité est restée la même.

Les pays du nord de l'Europe ont été imperméables au marxisme. La Réforme protestante, axée sur l'individu plutôt que sur la collectivité y avait changé profondément les mentalités. Dans les États réformés, chacun a l'obligation de faire son salut plutôt que suivre, solidairement, la voie imposée par l'Église. On encourage l'individu à lire la Bible pour pouvoir lui-même comprendre les révélations divines. L'Europe catholique dissuadait les fidèles de la lecture et de l'éducation. Seul le clergé pouvait comprendre la Bible et en répandre les enseignements.

Le résultat : l'Europe protestante prend des centaines d'années d'avance pour ce qui est de l'alphabétisation. Au Québec ça fait moins de 100 ans que la majorité des francophones sont alphabétisés et scolarisés. Encore aujourd'hui l'éducation est perçue comme moins importante chez les Québécois de souche affligés par un taux de décrochage scolaire élevé, que chez les autres groupes sociaux.

Ce besoin de suivre un chef, de se conformer et de s'intégrer à une organisation autoritaire pour réaliser son destin nous vient également de l'Église catholique. Les fascistes européens au vingtième siècle, je vous le rappelle, ont prospéré dans les pays catholiques : Portugal, Espagne, Italie, France. Dans les pays germanophones, ce sont les régions catholiques qui ont été le plus touchées par le nazisme, Bavière, Autriche, etc.

Les Québécois ont beau avoir renoncé dans leur majorité aux pratiques religieuses catholiques, le catholicisme est encore massivement présent dans leur mentalité et dans leurs pratiques sociales.

Quand, je vois, en une semaine, des centaines de milliers de Québécois sous-informés aligner leur intention de votes sur celle perçue de la majorité pour se conformer à une vague appréhendée, cela me préoccupe. Ça tient plus à un solidarisme malsain et instinctif issu de notre mentalité catholique que d'un choix de citoyen éclairé.