Denis Coderre élu maire de Montréal... avec l’appui de 13 % des électeurs

Denis Coderre a été élu démocratiquement maire de Montréal. Le Peuple a parlé. Comment ça démocratiquement? Comment ça le peuple a parlé?  Coderre a obtenu 32% des voix exprimées. Et moins de 42% des électeurs inscrits ont daigné se déplacer pour voter. Faites le calcul. Ça veut dire que le petit potentat de Montréal jouit du soutien de 13% des Montréalais qui avait droit de vote. Ainsi va notre démocratie.  

Les structures bâtardes de la municipalité y sont pour quelque chose. Nous avons un nombre ridiculement élevé d’élus. Une des caractéristiques socio-politiques fondamentales de la métropole du Québec est la relation antagonique des deux communautés linguistiques qui y cohabitent. Ces tensions expliquent le cirque des fusions et des défusions. Les Anglais qui le pouvaient (le West Island et Westmount) ne voulaient absolument par être soumis à une majorité francophone. Les autres (et les ethniques qu’ils ont assimilé) incapables de se libérer des francos votent massivement pour le candidat qui s’engage à défendre leurs privilèges et leurs intérêts. Ça dure depuis 200 ans. Ça permet à des politiciens médiocres vendus de se faire élire particulièrement quand le vote de la majorité francophone est divisé.

La recette est valable au municipal comme pour les élections nationales et fédérales. Le parti libéral et ses complices en profitent depuis toujours. Regardez dans quel secteur de l’île de Montréal se réfugient les candidats vedettes libéraux pour s’assurer d’être facilement élus, à Québec et à Ottawa. C’est dans ces quartiers que Coderre remporte ses meilleurs scores.

Autre problème de notre démocratie municipale, c’est le désintérêt des jeunes et des pauvres. Je soupçonne que ceux qui se sont donné la peine de voter étaient en général plus âgés et plus fortunés. Ils avaient donc aussi plus de chance d’être propriétaires.   Dans les faits, on revient donc en arrière. Au temps où seuls ceux qui payaient des taxes avaient droit de vote. Comment faire pour faire encourager la participation des jeunes et des pauvres au processus électoral?

Le vote d’hier illustre aussi les limites de la démocratie d’une autre façon. La démagogie, le superficiel, la notoriété (peu importe les raisons) ont plus d’importance que la compétence. Sinon comment expliquer que plus d’électeurs aient préféré voter pour les candidats Denis Coderre et Mélanie Joly que pour les deux suivants, Richard Bergeron et Marcel Côté qui étaient manifestement mieux préparés que les deux premiers? Je suis surpris que Bibiane Bovet n’ait pas été élue.

J’entendais ce matin Coderre à la radio parler de son plan anti-corruption et anti-collusion. J’ai hâte de voir. Il va falloir  l’avoir à l’oeil celui-là compte tenu des liens intimes qu’il entretient avec Union Montréal et des individus peu recommandables qui l’ont aidé tout au long de sa carrière politique à Ottawa. Je pense notamment à son candidat-vedette dans l’arrondissement de Saint-Léonard, Michel Bissonnet a été facilement élu maire malgré tout le bagage qu’il charrie par l’électorat ethnique de l’arrondissement. Le mot d’ordre avait été donné par des «leaders» respectés de la communauté.

Mais comme a dit Winston Churchill: «La démocratie est la pire forme de gouvernement, mises à part toutes les autres formes qui ont déjà été essayées.»  Elle permet à la longue de se débarrasser des incompétents et des corrompus où, du moins, diraient les cyniques, elle assure que ce ne sont pas toujours les mêmes qui jouissent de l’assiette au beurre.

On a de bonnes raisons de se désoler de l’état de la démocratie et de l’attitude des électeurs montréalais. Mais il y a aussi des raisons de se consoler. On pourrait être pris avec un drôle de moineau comme Rob Ford à Toronto.