Abderraouf Jdey: comment un type sympa est devenu un djihadiste «québécois»

L’intégration à la société québécoise d’Abderraouf Jdey, un jeune tunisien d’origine, n’a pas particulièrement réussi. Arrivé ici en 1991, le gentil jeune homme est devenu en moins de dix ans un des terroristes les plus recherchés par les services secrets de la planète.

Je note en passant que l’avis de recherche du FBI, qui affirme qu’il a étudié la biologie à l’Université de Montréal, est erroné. J’ai vérifié et selon le porte-parole de l’institution, Jdey n’a jamais été inscrit à cette université. Un Québécois de souche qui s’est lié d’amitié avec lui me dit qu’il l’a connu à l’UQAM. Durant la session d’hiver de 1996, Jdey y a suivi un cours de pédologie appliquée (étude des sols). Il étudiait en vue d’obtenir un diplôme en physiographie, un nom savant qui désigne la géographie physique. Se peut-il qu’un analyste ignare au FBI ait pensé que la physiographie relevait de la biologie?

Jdey avait en sa possession des manuels de biologie lorsqu’il a été interrogé et relâché après avoir tenté d’entrer aux États-Unis en 2001 avec le djihadiste français Zacharias Moussaoui, qui lui avait des manuels sur l’épandage agricole. Condamné à la perpétuité depuis, Moussaoui avait été choisi par Al-Qaeda pour participer à l’attentat du 11 septembre.

Le compagnon d’étude québécois de Jdey, qui a requis l’anonymat, me le décrit comme un étudiant typique qui avait des résultats moyens, ajoutant que c’était un bon gars, un type gentil. Il vivait seul à Rosemont dans un petit appartement à 220 dollars par mois. «Je le considérais comme un grand frère. Il avait une certaine classe, une certaine prestance, une certaine éducation, de bonnes manières, il était généreux, ouvert d'esprit...» 

Son copain ajoute que Jdey aimait prendre une bière. Pas religieux du tout lorsqu’il l’a connu. Puis, il a commencé à changer. Il a confié à son camarade québécois son intérêt grandissant pour la pratique religieuse islamique. Son ami affirme que Jdey s’est ensuite refermé sur lui-même et qu’il ne l’a plus revu à compter du printemps 1997. Le jeune maghrébin s’est donc radicalisé ici même, au contact des milieux intégristes montréalais.  

C’est une indication de plus qu’Al-Qaeda possède à Montréal un réseau de soutien avec des dépisteurs capables d’identifier des recrues potentielles, de les prendre en main et les envoyer dans des camps acquérir les connaissances requises pour participer au djihad.

La plupart des terroristes qui ont été arrêtés en Occident depuis l’attentat du 11 septembre 2001 ont adhéré à l’islam radical dans leurs pays d’accueil, au milieu de sociétés laïques, indifférentes et même hostiles aux valeurs religieuses, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes. Ces jeunes hommes affables, discrets et instruits ont soit commis des attentats (Londres, New-York) soit comploté pour en commettre (Toronto, Montréal).

Il est impossible de détecter ces terroristes par des mesures de contrôle lorsqu’ils demandent le statut de réfugié politique ou la citoyenneté canadienne parce que leur conversion à l’extrémisme islamique vient plus tard, une fois qu’ils sont établis ici.

C’est en écoutant nos émissions de télévision, en lisant nos journaux, en nous regardant vivre, en observant comment nous traitons nos enfants et nos vieux que Jdey est devenu un islamiste fanatique.

Le nouveau projet de loi du ministre de l’Immigration Jason Kenney, qui va resserrer le contrôle de ceux qui arrivent au Canada, ne pourra pas détecter des futurs Jdey, seulement les terroristes étrangers déjà identifiés. Quant aux fanatiques religieux qui veulent venir s’installer ici, la loi ne pourra même pas les écarter quelle que soit leur religion. Cela irait à l’encontre de la charte trudeauiste des droits et des libertés.