La fierté se cherche une ville…

J’adorais le slogan de Montréal qui clamait fièrement : « La fierté a une ville! ». C’était il y a exactement trente ans, en 1983. Pour contrer la déprime collective du début des années quatre-vingt, le maire Drapeau avait commandé une campagne publicitaire visant à redonner de l’entrain aux montréalais dont l’équipe de hockey n’avait pas soulevé la Coupe Stanley depuis quatre ans, une éternité à l’époque pour ne pas dire un véritable scandale. L’équipe de baseball, depuis le tragique Blue Monday de 1981, continuait d’être une aspirante légitime au championnat sans jamais le remporter et l’équipe de football, ruinée par l’infâme Nelson Skalbania, avait été dissoute par la LCF un ans plus tôt pour renaître de ses cendres et devenir les misérables Concordes de Montréal que dirigerait Joe Galat, un insupportable fumiste. Même l’équipe de soccer, le Manic, qui faisait courir les foules à ses deux premières saisons, n’attirait plus que quelques milliers de spectateurs par match et disputait sa dernière saison dans une ligue moribonde.

Je repensais à ce slogan pendant la soirée électorale qui, sans surprise, aura couronné Denis Coderre comme nouveau maire de Montréal. On est loin de Jean Drapeau mais tout comme en 1983, il me semble que ma ville a mal à sa fierté pour toutes sortes de raisons. C’est curieux mais la déprime collective de ma ville correspond souvent à un creux de vague sportif. Le Canadien a beau avoir pris un virage jeunesse, la rue Sainte-Catherine n’a pas vu ses joueurs y défiler depuis maintenant vingt ans, du jamais vu dans toute ma vie. Les Expos, malgré les louables efforts de Warren Cromartie, ne sont pas prêts de ressusciter et faire vibrer le bon vieux Stade Olympique que les gens de la RIO continuent de laisser se détériorer inexorablement. L’Impact et le soccer de la MLS n’ont pas encore réussis à se tailler une place de choix dans le cœur de la majorité des montréalais et personnellement je ne crois pas que  ça changera bientôt. Il nous reste les Alouettes qui, après une saison décevante à plusieurs égards, peuvent encore nous donner l’espoir d’une Coupe Grey, nous offrir un peu de soleil pour réchauffer notre automne tristounet en gagnant les deux prochains matches et leur billet pour Régina. Je ne dis pas que cela suffirait à redynamiser une ville qui n’en finit plus de s’auto flageller plus que nécessaire au point d’en oublier ses atours.

Il y a trente ans on pouvait clamer que la fierté avait une ville, même si celle-ci commençait à s’essouffler après avoir vécu les excès des années soixante et soixante-dix. Aujourd’hui je vous dirais que la fierté se cherche une ville. Quand les montréalais jalousent Québec et le maire Labeaume au point d’élire un populiste de la trempe de Denis Coderre c’est que l’égo collectif en  a pris un dur coup à force de scandales de corruption, de nids de poule et de cônes orange. Tous les chantiers de construction ou de réfection d’infrastructures sont devenus suspects. Le nouveau maire aura fort à faire pour rétablir la confiance. Il faudra davantage que des tweets sur les matches du Canadien pour y parvenir. Même une improbable conquête de la Coupe Stanley le printemps prochain ne suffirait probablement pas à sortir ma ville de sa torpeur, lui redonner sa fierté d’antan. Comme une majorité de montréalais je n’ai pas voté pour Denis Coderre et je demeure sceptique quant à sa capacité de relancer cette ville que j’aime tant, cette ville où je suis né et que je n’ai jamais abandonnée. Mais je me console en me disant que c’est probablement la première fois que Montréal sera administrée par un vrai partisan du Canadien, des Alouettes et même de l’Impact.

Je me réjouis en sachant que cette fois Montréal s’est dotée d’un maire qui est un véritable fanatique de sports qui comprendra l’importance du Grand Prix de Formule Un ou des Internationaux de Tennis. Depuis l’ère Jean Drapeau,  et ses ambitions olympiques, de baseball majeur et même de NFL, jamais Montréal n’aura eu à sa tête quelqu’un d’aussi passionné par le sport et capable de défendre ses installations, ses parcs et ses amphithéâtres. Je ne sais pas si Coderre viendra à bout de tous les pourris qui sont encore en places dans l’administration montréalaise, je ne sais pas s’il sera en mesure de chasser de l’hôtel de ville tous les bandits qui s’enrichissent depuis trop longtemps à même l’argent des contribuables mais au moins je sais qu’il saura servir les intérêts des amateurs de sports de la métropole. J’espère juste qu’il ne se prendra pas pour un Régis Labeaume et ne nous fera pas honte, qu’il comprendra que Montréal ce n’est pas Québec.

De toute façon, en matière de mascotte on a déjà Youppi. C’est bien assez.