Kent Austin hantera-t-il les Riders?



Les Roughriders de la Saskatchewan n’ont remporté que trois fois la Coupe Grey depuis leur fondation en 1910. L’entraîneur-chef des Tiger Cats de Hamilton, Kent Austin était de deux de ces trois conquêtes, la première, en 1989 à titre de quart-arrière partant et la seconde, en 2007 comme entraîneur-chef. Il a aussi une troisième bague de la Coupe Grey, celle-là gagnée alors qu’il évoluait comme quart partant chez les Lions de la Colombie-Britannique. Kent Austin est une légende vivante à Régina. Toute la semaine, son vis-à-vis pour le match de la Coupe Grey a dû passer devant une gigantesque bannière honorant ses prouesses en Saskatchewan devant le stade Mosaic. Certains partisans auraient souhaités qu’elle soit descendue pour la semaine de la Coupe Grey.


D’autant que la légende de Kent Austin est aussi perçue par certains comme une véritable trahison. Après tout lorsqu’il a quitté les Roughriders en 2007, quelques mois après les avoir menés à leur troisième et plus récente conquête de la Coupe Grey il a pris tout le monde par surprise. Il en a aussi choqué plusieurs en expliquant que sa décision de partir de Régina pour aller diriger son alma mater, les Rebels d’Ole Miss, dans la NCAA était d’abord une décision familiale. Il est certainement moins difficile de s’ajuster au climat de la petite ville d’Oxford au Mississippi, un village d’à peine plus de 18 000 habitants mais dont l’université accueille presqu’autant d’étudiants! Et, vous vous en doutez bien, le salaire d’un entraîneur-chef d’une aussi grosse université américaine est beaucoup plus élevé que celui que touche un de ses homologues dans la LCF!


Les gens de la Saskatchewan adorent le football mais ils peuvent aussi être rancuniers même avec une légende comme Kent Austin. Qu’il se soit exilé une première fois dans le sud profond des États-Unis peut s’excuser disent-ils là-bas. Mais ils trouvent du même souffle inexcusable que, toujours pour des raisons familiales, ce soit à Hamilton et non à Régina que Kent Austin ait choisi de revenir diriger une équipe de la LCF. Une trahison qui semble-t-il fait plus mal cette semaine vu la participation des Tiger Cats à cette finale de la Coupe Grey. Il est vrai que pour quiconque a déjà mis les pieds à Hamilton, on peut sérieusement se demander ce qu’elle a de plus que Régina. Sérieusement, j’endurerais le froid sibérien de la Saskatchewan avant de penser, ne serait-ce que l’ombre d’un instant, m’exiler dans cette sinistre ancienne ville de l’acier du sud de l’Ontario où le centre-ville semble fréquenté par des personnages sortis d’un film de Federico Fellini pour ne pas dire tout droit sorti d’un asile psychiatrique. Régina n’est certes pas la ville la plus excitante au pays mais elle est drôlement plus accueillante que ne le sera jamais Hamilton. Mais bon, Kent Austin voulait probablement se rapprocher du Massachussetts où il est né. Je ne vois pas d’autre explication.


N’empêche il ne risque pas d’être chaudement applaudi dimanche à Régina. C’est un peu comme si un jour l’Avalanche dirigée par Patrick Roy se retrouvait en finale de la Coupe Stanley face au Canadien, ce qui je dois toutefois le reconnaître ne risque pas d’arriver dans un avenir prévisible. Mais vous comprenez le dilemme des amateurs de football de la Saskatchewan à l’idée de voir Austin priver leurs Riders d’une quatrième Coupe Grey pour plutôt se procurer une quatrième bague à leurs dépens et mener les Tiger Cats vers une surprenante victoire. D’ailleurs, pour ajouter à l’ironie de la situation, c’est nul autre Darian Durant qui était le quart partant des Roughriders qui ont remporté la Coupe Grey de 2007.


Il n’est pas impossible que les Tiger Cats menés par un stratège aussi brillant que Kent Austin parviennent à battre les Roughriders dans cette 101e édition de la classique de la Coupe Grey. Mais peu importe si sa bannière dérange les partisans les plus endurcis de la Rider Nation, l’équipe visiteuse sera vraiment en terre inhospitalière. Contrairement à Vancouver ou Toronto au cours des deux dernières années, la fièvre de la Coupe Grey ne se propage pas uniquement sur une artère ou deux du centre-ville. Mes espions me disent que la ville entière est peinte en vert, de quoi faire rougir le plus patriote des irlandais! Un collègue a même écrit que l’on y voit présentement plus de vert qu’à Dublin le jour de la Saint-Patrick! Tous les magasins, tous les édifices, toutes les maisons affichent fièrement leurs couleurs. Ça ne me surprend même pas. Je soupçonne même que toute la Saskatchewan se soit donné rendez-vous à Régina, laissant toutes les autres municipalités de la province désertes.


Le 13e homme a déjà été fatal aux Roughriders lors de la conquête de la Coupe Grey des Alouettes en 2009 et ce même si dans les estrades la foule de Calgary s’était massivement ralliée à l’équipe de la Saskatchewan. C’est qu’on raconte que la moitié des gens qui vivent à Calgary viennent de la province d’à côté et que ces gens-là ont dans leur placard, caché derrière leur chandail des Stampeders, celui des Riders. Mais je doute sincèrement qu’il y aura à nouveau un treizième homme sur le terrain pour couler l’équipe de Corey Chamblin. En revanche, je suis convaincu que l’on entendra la foule déranger les Tiger Cats comme ils ne l’ont jamais été cette saison. Je suis certain que cette marée verte qui se massera pour une dernière fois dans ce stade de football voué à la démolition dans quelques semaines, en mettra plein les oreilles à l’attaque dirigée par Henry Burris.


Non, je ne crois pas que Kent Austin réussira à hanter les Riders.